J+316/ J+326 : La remontée de la Patagonie chilienne en cargo

Il est des choses auxquelles vous ne pouvez que succomber.
Quand on me parla, il y a près de 3 semaines, d’un cargo de marchandises qui pouvait remonter les fjords de Patagonie sur sa partie Pacifique (côté chilien), je n’ai pas mis longtemps avant de me décider.

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Une occasion unique de découvrir des endroits vierges de toute civilisation tout en remontant progressivement vers le centre du Chili pour arriver à Santiago.

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C’est donc la veille du départ que j’arrive à Puerto Natales, petite ville portuaire de la côte chilienne, celle là même qui avait été mon point de départ pour partir faire le fabuleux trek d’une semaine dans le parc national de Torres del Paine.

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Billets en poche, j’embarque le lendemain sur l’énorme ferry d’une centaine de mètres.

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Avant de partir, et comme c’est un bateau de marchandises, je dois attendre que le chargement soit terminé pour appareiller. Voitures, camions mais aussi vaches et cochons font partis de la cargaison. Ayant pris un gros retard pour cause de neige soudaine (nous sommes à l’entrée de l’hiver austral), le bateau partira finalement le surlendemain.

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Il est 15h, nous larguons finalement les amarres, cap plein nord pour une traversée de 4 jours et 4 nuits dans les fjords à bord du bien nommé l’Eden.

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Salut Puerto Natales
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Le grand air marin…

En embarquant sur ce genre de cargo je ne m’attendais pas à avoir une surprise de taille.
Et pourtant, l’Eden n’est rien d’autre qu’un ancien bateau de la regrettée compagnie marseillaise SNCM, sans doute vendu aux enchères suite à sa liquidation en janvier dernier.

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Tout est presque resté en l’état. Des toilettes au carré des officiers, des écriteaux signalent encore la présence de l’ancienne compagnie à bord. Un sentiment assez bizarre de fin de règne je vous avoue mais une fierté d’être sur un navire marseillais.

Après investigations faites auprès du capitaine (car cela me démangeait quand même), il fût un temps où le cargo s’appelait le Monte Cinto. Il servait à transporter des chargements entre la Corse et le continent.

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Le Monte Cinto à son époque

Au retour dans ma cabine je m’aperçois très vite que la personne qui partage l’autre couchette est un suisse, Matt, que j’avais rencontré une dizaine de jours plus tôt dans un bus. Une bonne surprise compte tenu du fait que nous sommes à peine quelques dizaines à faire ce trajet d’un millier de kilomètres pour rejoindre Puerto Montt plus au nord.

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Un des cabines de bord

Il faut savoir qu’un seul bateau de ce type permet de ravitailler en vivres une fois par semaine les villages isolés dans cette région du monde dont le plus emblématique des ports, Puerto Eden, en fait parti.

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Chasseur chassé

Après avoir passé une belle journée sur le pont à regarder les premiers dauphins fendant l’étrave du navire nous nous approchons petit à petit des fjords.

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La chose n’est pas spécialement aisée compte tenu d’un vent de 35 nœuds (~70 km/h) de travers qui implique une forte prise au vent du navire dans les premières passes que nous traversons.

Une chose est sûre, le vent est aussi glacial que les montagnes environnantes. Une impression de « vrai » bout du monde m’envahie. Aucun homme habite dans ce territoire long comme près d’une fois la France. Des ours, pumas et autres pingouins y séjournent de manière saisonnière mais personne ne s’est risqué à y habiter à l’année. C’est endroit est tout simplement fabuleux !

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Il est maintenant 19h. Le soleil vient de se coucher.
Malgré l’interdiction formelle d’apporter de l’alcool à bord pour des raisons obscures de sécurité, il me semblait primordial voire obligatoire (!) de prendre un peu de vin et de charcutaille pour célébrer de bons apéros entre compagnons de couchettes durant cette traversée.

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A l’heure de l’apéro. Matt on t’attend? 😉

Tout prend une saveur spéciale à bord d’un bateau. Du vin aux repas servis au carré, c’est avec plaisir que nous mangeons tout ce qui se trouve à portée de bouche. Sans doute un sentiment de rareté faisant son effet plus qu’ailleurs.

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Le carré 2 étoiles Michelin

Toujours est il que manger convenablement sur un cargo est un vrai challenge, d’autant plus pour le chef cuisinier qui doit improviser avec les éléments marins – vent, vagues, retards dans le programme…

La première nuit se passe plutôt agréablement dans ma couchette de 5 m².
Puerto Eden se dessine devant nous au petit matin. Fameux petit port au fin fond des fjords chiliens et complètement coupé du monde, une cinquantaine de personnes peuplent cet endroit. Le navire étant trop grand pour accoster, l’ancre est jetée dans la minuscule baie qui entoure le port.

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Puerto Eden

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Tandis que la ponton arrière s’ouvre en deux pour permettre aux membres d’équipage de sortir, d’autres embarcations venant de Puerto Eden accostent pour troquer poissons frais, viandes, fruits et légumes avec le capitaine accompagné de son cuisinier.

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Ca décharge dans tous les sens

Après une heure d’escale nous reprenons la route du nord en direction du grand large, passage obligé pour sortir de la péninsule de Taitaoo et revenir par la suite dans les fjords.

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Ce qui est étonnant dans tout cela, c’est de voir la beauté des paysages malgré un mauvais temps certain. Il y a dans ces fjords quelque chose de magique qui est difficile de retranscrire par écrit.

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En sortant sur le pont en milieu d’après-midi j’aperçois au loin un gigantesque arc-en-ciel entourant le navire. Au loin des baleines bleues, les plus grandes au monde, nous saluent avec leurs queues s’engouffrant dans l’eau. Je reste bouche bée malgré le froid polaire qu’il fait.

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Somewhere over the rainbow…

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De retour dans le carré principal pour l’heure du diner, les verres commencent à valser. Le capitaine nous avait prévenu “il risque d’y avoir une forte houle ce soir”.
Effectivement, à mesure que l’on avance dans la nuit, les vagues se font de plus en plus menaçantes. Ayant le pied marin cela ne me chagrine généralement pas trop mais après quelques whiskys bus à la santé du capitaine, la chose devient alors une toute autre affaire… Je vous laisse imaginer la suite sur le pont inférieur.
Ceci dit, cela a l’avantage de remettre les idées en place avant une nuit qui promet d’être mouvementée.

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Au secours! Laissez-moi sortir!

Le lendemain l’équipage a une petite mine, preuve que la nuit n’a pas dû être de tout repos pour certains. Les pauvres vaches à l’arrière du navire ont dû vraiment souffrir. Un rapide coup d’œil sur l’une d’entre elles ne laisse aucun doute sur ce qu’elles ont dû endurer.

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Nous sommes maintenant en plein océan Pacifique et le soleil est au zénith. Le pont sèche encore de l’écume de mer versée la veille mais le temps est de la partie. Cela laisse présager une route de bon augure pour la suite.

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Les mouettes accompagnent le sillage du navire. Au loin j’aperçois de belles baleines bleues qui nous saluent de nouveau. L’occasion pour moi de faire un tour dans la salle de pilotage que le capitaine à bien voulu rendre accessible pour les passionnés de navigation comme moi.

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Roger over?

J’ai toujours adoré voir piloter ces gros bateaux. Plus jeune mon rêve était d’être capitaine de première classe. Malheureusement vu mon niveau de mathématiques au lycée je dus me rendre à l’évidence que ce métier n’était pas fait pour moi. Dommage !

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Oh capitaine! Mon capitaine!

Toujours est-il qu’aujourd’hui je prends mon pied en discutant avec le capitaine qui m’explique toutes les fonctions du cockpit, du radar à la salle des machines.

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Notre nouvelle rentrée dans les fjords en fin d’après-midi entame l’ultime remontée vers Puerto Montt. Dernier apéro, dernier dîner et dernière nuit à bord. Les paysages n’en restent pas moins magnifiques.

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Au petit matin nous arrivons enfin à Puerto Montt. Malheureusement, le mauvais temps empêche le navire d’accoster pour cause de vent fort.

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Malgré quelques accalmies durant la journée la décision de rester au mouillage jusqu’au lendemain nous permettra de profiter encore un peu du bateau et de son super équipage.

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Après 5 jours de mer, je mets enfin les pieds sur la terre ferme. Quel sentiment étrange de “mal de terre”. J’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds à chaque instant. J’ai la nausée ! Un comble me direz-vous

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Puerto Varas

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Ce port est pour moi l’occasion de faire étape dans le village d’à côté, à Puerto Varas, avec mes copains d’équipage rencontrés quelques jours plus tôt. Au loin le volcan Osorno se dévoile avec toute la beauté qui lui est propre en cette période de l’année.

 

Un petit Ricard en bonne et due forme termine ce beau voyage d’un millier de kilomètres. Rendez-vous dès demain à Mendoza en Argentine, 1400 km plus haut !

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