Je quitte Cyril, les marseillais et Puerto Natales au Chili pour me diriger vers El Calafate, première ville côté argentin.
Mon arrivée en fin de matinée dans cette charmante ville me permet d’un peu me balader et chercher une agence qui veuille bien me prendre pour m’amener au glacier le plus connu de l’Amérique Latine, le Perito Moreno.
Ce nom fut donné en hommage à l’explorateur Moreno qui le découvrit il y a près de 100 ans.
Après avoir fait 2-3 fois le tour de la ville je trouve enfin la perle qui me permettra de grimper cette masse de glace de 250 km2!
Le Perito Moreno
Lever 5:45 am un peu dur mais le jeu en vaut la chandelle.
Après 1h de bus j’arrive enfin sur le site. Je dois avouer que je suis assez excité à l’idée de voir la 3ème plus grosse calotte glacière au monde après l’Antarctique et le Groenland.
Large de 5000 mètres sur près de 35 kilomètres de long, ce glacier a deux particularités : l’une géographique, il se situe à cheval entre l’Argentine et le Chili. L’autre est que cette masse de glace est en constante progression (2 mètres / jour), ce qui en fait l’un des rares glaciers au monde à grossir.
Aucun spécialiste n’a réussi encore à se mettre d’accord sur les causes de ce phénomène. Les nuages venant du Pacifique s’accumulent et alimentent apparemment le glacier.
Une chose est sûre, son épaisseur peut atteindre 500 m à certains endroits! Imaginez la taille de la Tour Eiffel, vous comprendrez tout de suite ce dont je veux parler… Le résultat est tout simplement stupéfiant.
Mon excursion commence par la vue classique du Perito Moreno, non loin du champ de glace sur des passerelles dédiées à cet effet. La masse est impressionnante. Ca craque, ca gronde, des morceaux de calotte tombent toutes les minutes dans un vacarme assourdissant. On comprend aisément que cette “chose” est en perpétuel mouvement.
D’ailleurs le glacier avance tellement qui touche même le bout du lac tous les 5 ans. Un phénomène rare se produit alors. Les eaux du lac se séparant, une compression se crée de part et autre de l’avancée glacée, et un pont se forme alors. Au bout de quelques temps il se brise en deux créant un spectaculaire tsunami sur le lac.
Qu’est-ce qu’un glacier ? – Définition Lonely Planet
Admirables rivières de glace aux contours en perpétuel changement, les glaciers ont quelque chose de magique. Pour ceux qui auraient oublié leur manuel de géologie, voici un petit résumé :
Le « cœur » du glacier est constitué par la « zone d’accumulation ». C’est là que la neige tombe, se comprime et se transforme en glace. Sous l’effet du poids, le glacier glisse peu à peu vers l’aval. Au cours du glissement, la glace commence à fondre à la base, se mélangeant au passage avec la terre et des pierres.
Il se forme ainsi une sorte de lubrifiant naturel qui permet au glacier de continuer son avancée. Les déplacements successifs provoquent des fissures et des déformations dans la glace, les crevasses. Dans le même temps, les débris de rochers sont repoussés de chaque côté du glacier, formant des moraines.
A l’opposé de la zone d’accumulation, où le glacier se remplit, la « zone d’ablation » désigne le lieu, à la base, où le glacier fond. Si la neige tombe davantage dans la zone d’accumulation qu’elle ne fond (ou ne s’évapore) dans la zone d’ablation, le glacier avance. Dans le cas contraire, il recule. Depuis 1980, le réchauffement climatique a considérablement contribué au recul des glaciers dans le monde.
D’où la couleur bleue des glaciers vient-elle ?
Lorsque la glace n’est pas compactée, il se forme des bulles d’air dans lesquelles s’infiltrent les rayons de courte longueur d’onde. C’est pourquoi ces zones nous paraissent blanches. Lorsque la glace est comprimée sous l’effet de son poids, seule la lumière bleue (rayons de longueur d’onde plus longue) peut s’infiltrer. Plus la glace est compacte plus le chemin à parcourir par la lumière est long, et plus la glace paraît bleue. Lorsque le glacier fond et que des icebergs se détachent, ils entrainent dans leur chute de la « farine glacière » (sorte d’argile) provenant de l’érosion du lit du glacier. C’est ce qui donne aux lacs une couleur grise un peu laiteuse. Parfois, les sédiments ne se déposent pas au fond du lac et diffractent la lumière du soleil. La couleur de l’eau prend alors d’étonnantes nuances turquoise, azur ou bleu pâle, caractéristiques de ces paysages de glace comme sortir d’un autre monde.
Mon trek continue sur les bords du lac en prenant un petit bateau qui me permet d’accoster sur l’autre rive, encore plus proche du glacier. Sur le trajet je remarque que nous naviguons entre les icebergs d’un bleu intense.
Après 1h de marche, une petite hutte m’indique l’entrée sur le glacier à proprement dit. Je chausse alors crampons et baudrier pour passer la journée sur ce merveilleux monticule de glace datant de plusieurs centaines d’années.
Marcher sur un glacier est toujours quelque chose de particulier.
Ayant un brin d’expérience à ce sujet suite à mon ascension du Huayna Potosi en Bolivie il m’est plus aisé de crapahuter entre les moraines et autres crevasses.
Toutefois le danger est permanent. J’entends d’ailleurs à plusieurs reprises un son creux sous mes pieds qui me rappelle que la glace peut se rompre à tout moment sous l’effet de mon poids. Quel sentiment d’effroi mais d’excitation d’être sur le fil du rasoir.
Le beau temps est de la partie, chose rare pour cet endroit, ce qui me permet d’apprécier encore plus les méandres de glace formés au gré du vent et de la neige tombée. Des lagunes d’eau pure se sont même créés au détour de certaines crevasses donnant encore plus de charme au glacier.
Il est maintenant venu pour moi le temps de rebrousser chemin et reprendre le bateau qui m’avait déposé. Après cette superbe journée, rien de tel qu’un bon petit remontant (avec pour glaçons ceux du glacier) sur le chemin du retour.
Je dis au revoir au glacier et je pars le lendemain en direction de El Chalten pour observer le Mt Fitz Roy, un des plus beaux du pays.
El Chalten & Mont Fitz Roy
Quelques 200 kilomètres plus tard j’arrive à l’entrée du parc national.
C’est une montagne d’une grandeur et d’une esthétique qui impose le respect.
Bon nombre d’explorateurs s’y sont cassés les dents pour gravir les quelques 3405 mètres qui les séparaient du sommet.
Considérés comme les plus durs, les Monts Cerro et Fitz Roy sont des aiguilles tellement à pic qu’il est quasiment impossible de les gravir. Mon aventure se limitera donc à de la randonnée au pied de ces arrêtes vieilles de plusieurs millions d’années.
A la faveur de l’automne les paysages révèlent des couleurs de rouge insoupçonnées. Se balader dans ces forêts à peine touchées par l’homme me donne un sentiment de liberté et d’apaisement comme je n’ai jamais eu.
J’ai par ailleurs beaucoup de chance car il fait habituellement mauvais en cette période de l’année, les sommets étant pour 90% du temps couverts par les nuages venant du Pacifique.
Mon arrivée au pied du glacier du Mt Cerro est d’autant plus extraordinaire que des icebergs flottent sur le lac d’altitude qui jouxte les parois saisissantes de cette montagne.
Ce séjour dans cette région Patagonienne fut mémorable. D’autant plus fabuleuse qui la météo était au rendez-vous. Je repars dès aujourd’hui pour Puerto Natales au Chili afin d’embarquer sur un cargo le lendemain. Prochaine étape: la remontée des fjords de Patagonie.
Pour aller plus loin sur ce post, je vous propose un reportage de l’équipe Red Bull qui s’est attaquée à la fameuse aiguille (cliquez sur la photo ci-dessous).
Partons loin! 